Notes de lecture: 3 livres et 1 podcast, 1er trimestre 2023

Proust and the Squid: the Story and Science of the Reading Brain (traduit en français par Lisa Stupar : Proust et le calamar). Très bel ouvrage qui raconte l’histoire de comment le cerveau humain, à travers la culture, a bricolé un chemin pour apprendre à lire, car comme l’indique Wolf dès la première phrase de son livre, “We were never born to read” [nous ne sommes pas nés pour lire]. Ce livre, écrit par une chercheuse en neurosciences, est conçu pour un grand public mais s’adresse aussi à tous ceux qui s’intéressent à l’apprentissage de la lecture–parents et enseignants–et à ses disfonctionnements éventuels ; il y a notamment des chapitres révélateurs sur la dyslexie. Les propos sont particulièrement pertinents dans le contexte américain où la méthode appliquée dans une bonne partie des écoles s’avère, de manière assez scandaleuse, inadaptée à l’apprentissage de la lecture et où, en conséquence, cette compétence est en forte régression chez les enfants et les ados (voir Sold a Story ci-dessous). Mais il s’agit aussi d’une belle apologie de la lecture dans notre société moderne, qui tend de plus en plus vers une lecture rapide, condensée, fragmentée et distraite.

Sold a Story, un podcast en 6 épisodes par Emily Hanford pour American Public Media (pas de traduction disponible). Reportage sidérant sur le constat que les enfants américains lisent de moins en moins bien et sur la méthode mise en place dans les écoles américaines depuis plusieurs décennies qui explique en grande partie cette régression.

Poverty by America par le sociologue Matthew Desmond et l’auteur du livre Evicted (2017), lauréat du prestigieux Pulitzer Prize (pas de traduction disponible). Sortie donc très attendue cette année. Je l’ai écouté en version audiolivre. En partant du constat pourquoi y a-t-il autant de pauvreté dans une nation qui est aussi riche que les Etats-Unis ?, Desmond dresse un portrait peu flatteur d’une société qui crée énormément de richesse pour certains, qui fait un maximum pour protéger les riches, mais qui garde les pauvres dans des situations précaires, en éviscérant non seulement les aides sociaux pour ces groupes mais aussi le bien commun. Ses propos lacèrent la gauche comme la droite et pointent le doigt aux cadeaux fiscaux réservés aux classes aisées, à la corruption dans certains états (où les aides fédérales pour les pauvres ont servi de tire-lire pour certains élus et leurs familles), au démantèlement des syndicats … Lecture nécessaire mais aussi pertinent pour les français … c’est un bon rappel de pourquoi il faut absolument protéger d’autres valeurs.

Victory City, le dernier roman de Salman Rushdie. Il sera disponible en français, grâce à une traduction par Gerard Meudal, à partir de septembre 2023. Bon, je ne vous fais pas découvrir ce grand auteur. Dans sa critique du roman pour The Guardian, Xan Brooks le qualifie de « lavish fairytale » (conte de fée somptueux), ce que je trouve assez juste. On rentre très rapidement dans un univers très littéraire, le texte qu’on lit serait la traduction condensée d’un poème/récit écrit au 15 e siècle par Pampa Kampana, l’originatrice d’une ville, Bisnaga, qu’elle a littéralement plantée avec des graines. Tous les habitants de cette ville sont des fictions ; c’est Pampa Kapmana qui leur a chuchoté leurs histoires. Dépaysement assuré.